La demande de logement social, un mur infranchissable.

479, c’est exactement le nombre de demandeurs de logement social pour la seule ville de Pont-Sainte-Maxence au 31 décembre 2019 (disponible sur www.logement-social.gouv.fr). Et les chiffres sont tout aussi affolants concernant le département de l’Oise (plus de 20 000) et la France (plus de 2 150 000).

Autant dire que nous n’y arriverons pas, et d’ailleurs, nous n’y arrivons déjà plus et depuis bien longtemps. La vérité est que nous ne sommes plus en mesure de satisfaire le flot de demandes qui nous submerge chaque semaine un peu plus.

Cette question est évidemment directement à corréler avec la politique du logement, mais ce sera l’objet d’un prochain billet. Je ne parle pas ici de construction mais d’attribution.

Il n’est d’ailleurs absolument pas rare que le demandeur doive attendre 2, 3, 4 voire 5 ans avant de bénéficier d’une proposition et parfois plus si la demande est très spécifique comme une petite maison en T5 avec jardin et garage. 

Depuis de longs mois pour ne pas dire depuis des années, c’est même devenu quasiment le seul motif de mes permanences hebdomadaires et c’est sans compter que mon adjointe en charge des affaires sociales, Monique MARTIN, tient elle-même des permanences sur ce sujet. 

Si vous rajoutez les messages par mail que je reçois, je dois avoir entre 6 et 10 demandes de logement social par semaine.

Le logement social est un sujet aussi passionnant que complexe parce que très technique, parce qu’il touche à la vie et à titre personnel, je ne suis absolument pas de ceux qui pensent que le logement social soit un « gros mot »…

Je regrette même que les partis politiques ne s’y intéressent pas davantage, et pour dire clairement le fond de ma pensée, aucun n’est à la hauteur face au défi, probablement victime des préjugés qui pèsent sur lui, même s’il ne faut pas faire l’économie des critiques dont certaines sont avérées.

La conviction qui est la mienne est que la demande de logements sociaux sera le facteur de la prochaine explosion sociale.

C’est une question de temps.

La problématique est pourtant aussi riche qu’essentielle.

Le logement, et ici social, va déterminer en effet très directement le cours d’une vie et le cours d’une ville.

Le cours d’une vie, et c’est le cas de l’enfant devenu adulte qui quitte le foyer familial, c’est le cas de celui qui est en début de carrière (et nombre de fonctionnaires sont dans cette situation) et ne peut pas accéder au logement privé (dont les loyers sont de l’ordre de 20 à 30 % plus élevés) ou à la propriété, c’est le cas de celui qui a eu un accident dans sa vie professionnelle ou dans sa vie personnelle et qui y trouve les voies pour se reconstruire, c’est le cas de la personne âgée qui ne peut plus entretenir son bien ou qui vit désormais seule dans son bien et qui y poursuivra, dans un logement souvent adapté, plus petit, le cours de son existence.

Le cours d’une ville car lorsqu’un quartier est dégradé, c’est en réalité, toute l’image d’une ville qui en pâtit affreusement.

A contrario, quand un quartier est rénové, c’est l’attractivité de toute la ville qui retrouve de la vigueur même s’il ne suffit pas de jouer – et de loin – sur les seuls leviers de la rénovation urbaine pour élever le niveau. A cela s’ajoutent nécessairement les politiques sociales, éducatives, économiques, etc.

Mais c’est une question complexe qui hystérise dorénavant immédiatement le comportement des demandeurs comme s’il suffisait qu’un logement soit libre pour leur être attribué.

Or, les procédures d’attributions sont régies par un grand nombre de règles et nous ne pouvons pas satisfaire le dernier qui a réclamé quand la liste est aussi loooongue.

Il faut tout d’abord que les revenus du demandeur ne dépassent pas les plafonds autorisés, cela veut dire qu’il ne doit pas gagner trop d’argent pour accéder au logement.

Mais, dans le même temps, il ne faut pas non plus qu’il ne gagne pas assez d’argent pour y avoir accès car alors sont taux d’effort (c’est-à-dire la part de ses ressources consacrée au loyer) serait trop faible et l’exclurait d’office.

C’est ce que nous appelons le type de financement du logement qui se divise en trois catégories :

Le PLAI pour les revenus les plus faibles donc avec des loyers plus faibles ;

Le PLUS pour les revenus intermédiaires avec des loyers plus élevés que les PLAI ;

Le PLS pour les revenus plus élevés avec des loyers plus élevés encore que les PLUS.

Souvent, des administrés me disent car tel ou tel endroit, il y a un appartement de libre et qu’ils le veulent, ne comprenant pas pourquoi, ils ne peuvent pas y avoir accès.

Or, s’ils ont malheureusement un revenu faible, de type du revenu de solidarité active (RSA) et que le logement est de financement PLS, c’est-à-dire avec des loyers les plus élevés, ils ne peuvent pas y avoir accès. 

Pour faire simple, ils ne gagnent pas assez d’argent pour payer leur loyer, il leur faut donc un logement de type PLAI.

Il faut ensuite que la typologie de la famille corresponde à la typologie du logement, ce qui veut dire que si un demandeur est seul, il ne peut pas réclamer un logement de type 4, ou que si la famille est de 5 membres, elle ne peut pas réclamer, même par défaut, un logement de type 3.

Et comme ce n’est pas fini, il faut ajouter ce que l’on appelle les réservataires des logements.

En effet, dans un immeuble OPAC de l’Oise (mais il en va de même pour tous les autres bailleurs) tous les logements ne sont pas réservés à l’OPAC de l’Oise…le financement du logement social est permis par plusieurs acteurs, autant d’acteurs qui acquièrent un droit de tirage sur les logements, car sans eux, l’immeuble n’aurait pas été construit. 

Pour faire simple, prenons un immeuble de dix logements…sur ces dix logements, Action logement en a financé 2…cela veut dire que sur 10 logements, Action logement déterminera à qui les attribuer (ici des salariés) et non plus l’OPAC de l’Oise…il en reste donc 8…mais il y a aussi d’autres financeurs comme l’État qui est aussi réservataire…par exemple de 2 logements et non plus l’OPAC de l’Oise…il en reste donc 6…et sur ces 6, il faut donc pour qu’un demandeur soit éligible, que son revenu le permette, que son revenu soit compatible avec le financement du logement social (PLAI, PLUS, PLS), que la composition de la famille le permette.

Tout le monde voit comme cela se fait « objectivement » aussi aisément qu’un clignement d’œil…

Si vous rajoutez à cela, les critères des demandeurs qui ne veulent pas telle rive (droite ou gauche), qui ne veulent pas tel quartier, qui ne veulent qu’un rez-de-chaussée, qui ne veulent personne au-dessus d’eux, qui ne veulent pas d’habitat collectif…(la demande la plus extravagante que j’ai eue étant que le demandeur voulait pour sa femme deux bacs à vaisselle et non pas un seul dans la cuisine !), vous vous approchez à vitesse grand V de l’impossible.

Je dois d’ailleurs tirer un grand coup de chapeau à mes services de l’OPAC de l’Oise et à l’ensemble des bailleurs qui ne ménagent pas leurs efforts pour me répondre quand je les sollicite car je sais que tous font vraiment le maximum.

Donc, je reconnais et l’expression n’est pas trop forte, quand on se « démerde » pour trouver une solution expresse pour ne pas dire immédiate à un demandeur qui met en avant l’urgence de sa situation (ce que j’accepte bien volontiers) par exemple de ne pas disposer ou bientôt plus de toit et que celui-ci refuse parfois même plusieurs fois, là, je ne comprends pas et moi, je ne me sens plus lié par l’impossible même si après, je reçois un tombereau de menaces et d’insultes…que j’ai d’ailleurs décidé de rendre publiques pour que chacun mesure bien la réalité de notre tâche.

Ces cas sont d’ailleurs de plus en plus nombreux…ce que mon directeur de l’OPAC de l’Oise appelle à juste titre « l’amazonisation » du logement social (du nom d’Amazon), à savoir, je demande ou plus justement j’exige, je n’en veux pas, je renvoie et vous rajoutez les intimidations et les injures. Sans compter que nombre d’entre eux pensent qu’un maire a tous les pouvoirs et qu’il peut donner « ordre » de tout à tous…sauf que la réalité est bien différente.

Enfin, quand un demandeur est proposé en commission d’attribution de logement, c’est celle-ci, et elle seule, qui statue souverainement, où doit d’ailleurs siéger un représentant de l’État pour veiller à la régularité de l’attribution.

La question du logement, ici plus précisément des attributions, ne se résout par un claquement de doigt et il ne s’agit pas de vouloir pour avoir.

Tout le monde fait toujours le maximum. Mais parfois, tout le monde se sent bien seul !